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Couleurs de Rome (1)



Les couleurs actuelles de Rome ne sont absolument pas celles de la ville à l’époque de la Renaissance ou du baroque.
Ce n'est qu'à la fin du XIXe siècle, avec la prise de Rome, l’arrivée de la dynastie de Savoie et l’expansion immobilière de la capitale que l’on assiste à un radical changement de goût : de nouvelles typologies de construction se mettent en place là où domine l’éclectisme architectural ; les nouveaux habitants demandent une ville en harmonie avec leur propre sensibilité à la couleur. Les nouveaux quartiers de la bourgeoisie sont caractérisés par une nette préférence pour les teintes soutenues à base de terre naturelle (rouge, ocre, jaune). Pendant tout le XXe siècle, Rome est la ville des couleurs chaudes et enflammées des peintres de l’«École romaine». Les ocres, les rouges et les jaunes éclatants figurent dans la palette de Scipione et de Mafai, de Pirandello et de Raphaël, palette qui s’est trouvée largement sublimée par la littérature. Rome devient alors cette ville que tant de peintures du XXe siècle ont codifiée et qui trouve un allié de poids dans la lumière ou les flamboyants couchers de soleil romain.

Il apparaît désormais à tous les observateurs qu'avec les travaux de réhabilitation menés, les couleurs de Rome s’éclaircissent. À Rome, les matériaux traditionnels employés jusqu’à la fin du XIXe siècle sont le travertin et la brique, souvent récupérés ou pillés sur les monuments antiques. Cela a amené à la mise au point des badigeons de finition, pour unifier les matériaux fragmentés et hétérogènes, des maçonneries enduites imitant les matériaux nobles (marbres, travertin, parement de briques). Lors d’une récente campagne de restauration de la couleur des plus importants monuments romains, le retour aux teintes claires a entraîné l’isolement des architectures monumentales dans leur contexte pour de nombreux lieux symboliques de la ville. Un palais a pu alors ne plus se trouver en harmonie avec les bâtiments plus modestes qui l’entourent et auxquels, pourtant, il ne faut pas appliquer par mimétisme, des procédés matériels ou chromatiques propres au traitement de l’architecture monumentale. Comment une petite maison de rapport attenant à un palais princier pourrait‑elle supporter l’effet de dématérialisation recherché par la couleur de l’air ou bien la richesse d’un faux parement de marbre ? Ce problème est sérieux et se trouve aggravé par le désir de vouloir suivre, sans aucune critique, les modes lancées, avec de grands effets médiatiques, et appliquées lors d’interventions de restauration sur des monuments majeurs.

Aussi constate-t'on que, pour certaines habitations privées, une teinte claire crée des effets dévastateurs. Des interventions de mauvaise qualité se réfèrent davantage au goût méditerranéen qu’au style soigné et de qualité du XVIIIe siècle. Ainsi apparaissent des maisons rose layette, bleu ciel ou jaune canari, pendant que la couleur travertin est devenue, entre les mains des peintres en bâtiment, le blanc éblouissant de Capri. La cohérence coloristique de Rome se joue en ce moment, le problème est sérieux et mérite une attention extrême.

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