Accéder au contenu principal

couleurs d'urbanisme...

Rien de plus compliqué que de travailler sur le territoire public. 
La dernière mésaventure du mur anti-bruit posé à la Fourragère, sur la rocade de l'A7 à Marseille, en est un parfait et exécrable exemple. Conçu pour allier recherche esthétique et vertus d'insonorisation à l'aplomb du collège Germaine Tillion, le mur a bénéficié du travail d'un architecte, mandaté par la Société de la Rocade L2, pour soigner sa création, son impact et sa qualité visuelle... Mais le mur a le malheur de ne pas plaire à l'élue, la députée-maire du secteur Valérie Boyer (LR), passée un jour devant, un peu au hasard, semble-t-il. Et l'élue pense ainsi avoir droit de vie et de mort sur tout ce qui se passe sur son secteur. Et notamment sur le travail en amont fourni par le maître d'ouvrage, le maître d'oeuvre, l'architecte, le concepteur... Comme par exemple, rayer tout sur un coup de colère, un coup de sang et sur un goût personnel, rayer un ouvrage de 6 mètres de haut qu'elle qualifie "d'horreur abominable".
"Il était nécessaire d'installer une séparation pour que les habitants et l'établissement scolaire ne soient pas pénalisés par les nuisances de la future L2", concède-t-elle,"mais pas ce mur en tôle d'un criant dégradé de bleu ! Une couleur ciel d'orage, qu'ils disent ! C'est simplement abominable ! Quand j'ai vu l'image, avant d'y aller, je croyais même à un photomontage. Et de s'étouffer : "Depuis des années, on a des débats sur chaque détail, l'éclairage, un pilier... Et là, on nous impose cette construction sans prendre l'avis des élus... C'est scandaleux !".
Pourquoi ce choix esthétique douteux, selon elle ? 
"L'opérateur a pris l'option la moins chère", cogne-t-elle...



La Société de la Rocade L2, chargée de la réalisation, rappelle en défense qu'elle a tout fait "dans les règles, engagé un architecte pour élaborer cette réalisation imposée par la loi. Le concepteur s'est inspiré des oeuvres du peintre Nicolas de Staël...". Par ailleurs, le consortium assure qu'une "concertation a bien été organisée sur le sujet avec l'État, le Conseil départemental et la Région". Petite précision utile : "Elle a été menée avec les techniciens de ces institutions. Peut-être, en effet, que ce n'est pas remonté jusqu'aux élus de secteur... Et si ça ne plaît pas à Madame Boyer, nous en sommes désolés. On pourra toujours changer la couleur...".

Le mot est lancé... La couleur ne plaît pas à un élu, l'affirmation est hautement subjective, et le couperet tombe, l'affaire est pliée. Le mur sera remplacé, à cause de la volonté d'un politique passant par là, anéantissant un travail de réflexion et de conception ayant donné à un acte de création... Coup de chapeau à l'archi, cela dit en passant, l'homme a fait un travail tout à fait honorable, en choisissant d'animer ce mur fonctionnel de touches épaisses et ponctuelles de couleurs comme de Staël le faisait, en posant ses àplats de peinture à coups de palettes et de couteaux. Rien à dire là-dessus.

On se réjouira que la remarque de Valérie Boyer ouvre sans doute, lors de futurs aménagements sur la voie publique, à la perspective de travaux de conception plus longs, plus concertés, plus qualitatifs et mieux rémunérés. C'est une bonne nouvelle pour les métiers de la création, de la couleur et de l'aménagement de l'espace urbain, pour tous les concepteurs dont l'objectif est de trouver une solution consensuelle sans trop perdre son âme... Mme Boyer a par ailleurs indiqué qu'elle souhaitait à l'avenir privilégier la pose de murs-godets pour la végétalisation des bas-côtés autoroutiers, ce qui règle de facto le problème de la création graphique et de la couleur des matériaux...

Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

couleur & architecture... dingues !

L'architecture contemporaine, quand elle se défoule et se lâche, associe souvent humour, rêve, fantaisie et couleur. Au-delà de la performance et de la créativité, de la surprise devant tant de liberté dans l'usage de lois défiant gravité, équilibre et normalité, voilà un petit palmarès parmi 15 excentricités non dénuées de charme, trouvées ici et là de par le monde... La légende de cette maison-coquillage mexicaine servant d'introduction à cet inventaire à la Prévert est en fin d'article... 1. Maison molle (Sopot, Pologne) Construite de janvier à décembre 2003, les architectes de ce projet fondu sont Jan Marcin Szancer, célèbre artiste polonais et illustrateur de livres pour enfants, et Per Dahlberg, un peintre suédois vivant à Sopot. Maison molle (Pologne) 2. La Forêt en Spirale d'Hundertwasser (Darmstadt, Allemagne) Cet ilôt de verdure a été construit à Darmstadt entre 1998 et

Le bleu, l'architecture et l'Alsace

Trente ans après le concept de Géographie de la couleur© de Jean-Philippe Lenclos qui établissait le constat des couleurs dans l'architecture traditionnelle des provinces françaises, il est intéressant de prendre en compte les dérives constatées aujourd'hui en matière de coloration des façades. Autrefois, douces et subtiles, liées à la qualité des matériaux locaux, des pigments naturels, des sulfates de fer, du bleu de méthylène, du bleu de cobalt... voire du bleu de lessive, les façades des maisons alsaciennes présentaient des colorations fugaces, douces, patinées car estompables avec le temps. Les façades sont aujourd'hui toujours plus colorées, tant en ville que dans les villages, principalement à cause des nouvelles solutions techniques apportées par les produits industrielles, peintures et enduits. Le phénomène est intéressant car il est général et l'œil avisé saura reconnaître partout cette volonté de toujours plus de couleur, au détriment du charme, de la patine

Les couleurs dans The Grand Budapest Hotel.

Le film embarque le spectateur dans l’histoire de Monsieur Gustave, concierge du Grand Budapest Hôtel, et d’un jeune porteur, Zéro Mustafa. Ces deux personnages vont se lier d’amitié en se retrouvant mêlés à la disparition d’une peinture, un meurtre et une guerre en cours.  Le film a été fortement apprécié pour ces couleurs agréables et son esthétisme distingué. Nous retrouvons l’histoire même du film dans le choix des couleurs. A premier abord, le Grand Budapest Hôtel paraît féérique avec sa façade rose clair, bleu et blanche. Cela rappelle les couleurs de l’enfance, l’extérieur de l’hôtel paraît idyllique. Quand on pénètre à l’intérieur, l’accueil et les ascenseurs sont peints en rouge vif et le personnel à un uniforme violet. Les couleurs de la façade symbolisent l’innocence et la nostalgie de l’enfance. Nous retrouvons cette nostalgie clairement évoquée par Zéro Mustafa qui raconte son histoire. De plus, cette nostalgie domine la manière dont Zéro rac