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Couleurs de peau

Audacieuse opération d’extension et de restructuration, la résidence de jeunes travailleurs Diderot dans le XIIe arrondissement de Paris a livré en mars 2011 sa superbe livrée. Conçu par AASB (Agence d’Architecture Suzel Brout), l’édifice métallique se caractérise par la dilatation des espaces et un soin du détail rare pour ce type de programme.

Depuis le boulevard Diderot, la place de la Nation apparaît presque dans toute sa symétrie. Le Triomphe de la République au centre et les colonnes de l’ancien octroi du Trône de Nicolas Ledoux jouent la symétrie du lieu. Au 125 du boulevard Diderot vient donc d’ouvrir un foyer de jeunes travailleurs, inscrit dans une composition monumentale mais en tellement discret qu’il pourrait être invisible pour qui arpente l'artère.

L'édifice livré par Suzel Brout est au cœur du domaine de la Fondation Eugène Napoléon, conçue en 1856 par Jacques Hittorff. Le dessin en fut quelque peu malmené dans les années 60 par une construction niant toute historicité.

Abritant un foyer de jeunes filles, l'immeuble est racheté dans les années 2000 par la Régie Immobilière de la Ville de Paris (RIVP) qui lance en 2006 un concours pour sa réhabilitation.

«Notre projet était vraisemblablement le plus clair», suppose Suzel Brout. Le concept initial reposait en effet sur la répartition simple entre parties restructurées et parties neuves, ces dernières étant conçues en structure métallique.

La volumétrie de l'édifice existant s'est donc vue modifiée et animée, même s’il s'agissait avant tout de profiter des possibilités offertes par le PLU. De fait, l’ensemble des proportions découle peu ou prou des réglementations. «Nous ne pouvions être à la même hauteur partout», confirme l’architecte. L'extension de neuf étages perd ainsi un niveau côté jardin au nord et deux niveaux côté rue au sud.

Le projet s’est plié d'autant plus au contexte qu'il tente, tant bien que mal, de rectifier l'erreur commise quelques décennies plus tôt. Ainsi, avec l'architecte des Bâtiments de France, Suzel Brout a travaillé le positionnement de la salle polyvalente et créé une transparence de part et d'autre de l'édifice pour retrouver l’axe de composition originel.

«En travaillant sur l'enveloppe, nous sortions des registres architecturaux. De plus en plus, la peau devient elle-même bâtiment et nous nous inscrivons au-delà du rapport forme/fonction», poursuit l'architecte qui a imaginé pour ce projet une «vêture» à même de forger l’identité de la construction.

En assumant mener un jeu libre de composition, Suzel Brout et ses collaborateurs ont expérimenté en agence les trames possibles du revêtement. A force de découpage et d'échantillonnage en papier, la trame fut progressivement calibrée, puis des prototypes furent présentés en chantier.



Pour satisfaire plus encore l’identité du projet, trois couleurs, «uniquement complémentaires», ont été mises en œuvre. L'escalier de secours est en soi une expérience colorimétrique. Du premier étage, vert, au cinquième, orange, en passant par le troisième, violet, il s'agit à chaque fois de caractériser les niveaux et d'aucuns peuvent, d’ailleurs, s'étonner d'une cage aussi soignée.

Les lieux habituellement délaissés, par exemple, les toits-terrasse et autres issues de secours, font ici l’objet d’un traitement soigné. Et puisque l’intention était de faire d’une enveloppe un bâtiment, Suzel Brout a réutilisé les panneaux métalliques comme ornement intérieur. Outre cette générosité matérielle, l’architecte propose, plus encore, une réflexion sur «le logement minimum» et la manière «de le faire paraître plus grand».

En témoignent les chambres. «La pièce se découvre» indique l’architecte. La porte franchie, la fenêtre est visible en face. Le lit est alors invisible. «Nous avons conçu deux lieux en continuité, la chambre et la kitchenette et avons travaillé les décalages», précise-t-elle. «Dilatation» donc, tant les 16m² de chacun des 141 logements en paraissent plus.

Côté extension, le bâtiment a gagné plus de cinq mètres en épaisseur et l’occasion a permis la création de balcons continus «pour se retrouver et créer la continuité du jardin».

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